Une partie de cet article, concernant les débuts du groupe quaker de Québec, paraît dans le numéro de août 2019 de la Lettre des Amis
Le mouvement quaker étant né en Angleterre et ayant été diffusé au Canada par des nouveaux arrivants provenant des états de l’est américain, il a conservé de profondes racines anglophones. Il est peu connu chez les francophones et encore moins connu dans la ville de Québec. Même si quelques francophones sont présents chez les quakers du Canada, leur nombre est limité et ils sont principalement concentrés à Montréal et à Ottawa. La tradition anglophone du mouvement a fait en sorte que les communications, sites web, publications, conférences, compte rendu, formations, etc. ne sont essentiellement disponibles qu’en anglais, sauf de très rares exceptions. Ceci a eu pour effet de réduire considérablement la diffusion du mouvement auprès des milieux francophones. Il est important de préciser que les quakers du Canada ne sont aucunement réfractaires à la francophonie canadienne mais que leur tradition a suivi un développement qui lui est propre et qui est fortement lié à leur culture et à leurs origines. Cette orientation n’est aucunement associée à des positions politiques, qu’elles émanent du groupe ou de ses membres.
Le Québec compte donc peu de quakers, la majorité d’entre eux étant regroupée à Montréal (Montreal Monthly Meeting ou Assemblée Quaker de Montréal). Cette assemblée est très majoritairement constituée de membres et de participants anglophones mais dont la plupart sont bilingues. Elle existe depuis environ 1907. Elle fait partie intégrante de l’Assemblée Quaker du Canada ou Canadian Yearly Meeting. Il existe des groupes qui y sont associés, un à Saint-Hippolyte dans les Laurentides, un (en projet) sur la Rive-Sud de Montréal, un groupe à l’Université McGill et un tout nouveau groupe qui a été mis sur pied cette année même à Québec et qui en est encore à ses balbutiements. Ce court article a pour but de présenter ce projet à nos amis français.
Un peu d’histoire:
Les premiers quakers venus s’installer au Québec étaient des loyalistes fuyant la guerre d’indépendance américaine. Ils provenaient en majorité des états de l’est soit le Vermont le Massachusetts et le New Hampshire. Un des premiers quakers à venir s’installer dans les terres du Bas-Canada, fut Nicholas Austin du New Hampshire. Nous sommes en 1790. Le village situé sur ces lieux porte d’ailleurs aujourd’hui le nom de Austin. Fruit du hasard, une partie des terres que Nicholas Austin occupait sont aujourd’hui celles de l’Abbaye bénédictine de Saint-Benoît-du-Lac. Un peu plus tard, vers 1820, quelques familles originaires du Vermont forment une première communauté quaker qui voit le jour tout près de là à Allen’s Corner, aujourd’hui East-Farnham. Ce petit groupe a perduré jusqu’en 1902 environ. Ces terres qui faisaient autrefois partie du Bas-Canada constituent aujourd’hui, en partie, une région appelée les Cantons-de-l’Est. Ces quakers sont à l’origine du mouvement au Québec. Mentionnons pour les férus d’histoire que leur bibliothèque est conservée au musée du Lac Brome à Knowlton et que le vieux cimetière quaker de East-Farnham est toujours entretenu et visible à l’entrée du village. Au fil du temps les jeunes quakers de l’époque sont petit à petit venus s’installer à Montréal, mettant fin ainsi à des années de cultes quakers dans les Cantons-de-l’Est. Ce déplacement fut en partie à l’origine de l’Assemblée Quaker de Montréal.
À Québec:
Disons-le d’emblée, les temps sont durs pour le religieux au Québec. Il existe depuis quelque temps, dans la ville de Québec, une petite communauté africaine de quakers évangéliques. Toutefois, démarrer un nouveau groupe quaker de culte non programmé à Québec relève du défi. Pour nous, la voie quaker paraissait si riche qu’il nous a semblé important qu’elle puisse être représentée ici. Ce groupe est vraisemblablement le seul et premier groupe d’amis francophones en Amérique. À partir du moment où a germé l’idée de mettre ce groupe sur pied nous avons d’abord communiqué avec toutes les personnes qui avaient demandé à l’Assemblée de Montréal de l’information concernant la présence d’une assemblée d’amis à Québec afin de constituer un petit groupe de premiers participants. Certains d’entre eux étaient des habitants de Québec ou des gens de passage alors que d’autres n’habitaient plus à Québec mais semblaient curieux de connaitre l’existence d’un tel groupe. Une fois un petit noyau constitué par contacts personnels ou par courriels, le deuxième défi fut de trouver un lieu pour nous rencontrer. Nous voulions éviter de le faire dans une maison privée puisque cette pratique a parfois tendance à rebuter les nouvelles personnes intéressées. Nos premiers pas nous semblaient déterminants. Après plusieurs démarches nous avons eu le privilège de nous voir offrir l’accès à une chapelle de la cathédrale anglicane de Québec afin de tenir nos cultes. Et ce en plein cœur du Vieux-Québec! Nos remerciements sont d’ailleurs adressés à cette communauté. Voilà un beau témoignage d’œcuménisme et un revirement de situation dans l’histoire si nous considérons toutes les relations tumultueuses qu’ont eu l’Église anglicane et le mouvement quaker à ses débuts en Angleterre.
Notre premier culte à eu lieu le dimanche 3 février de cette année. Un beau culte, fraternel, profond, inspirant. Nous étions sept personnes dont certaines d’entre elles, étant membres de l’Assemblée de Montréal, avaient fait le voyage en affrontant un blizzard particulièrement périlleux. Ici en hiver, le voyage entre Montréal et Québec est toujours tributaire de la météo! On n’y voyait parfois ni ciel ni terre! Au-delà de tout ce qui nous rassemble, ces conditions ont peut-être aussi contribué à l’atmosphère de fraternité qui a régné pendant tout ce week-end. Leur présence nous a beaucoup motivés et nous les en remercions chaleureusement. Un des participants a fait le voyage depuis la région de Beauce-Appalaches soit près d’une heure de route. On aura compris qu’un des grands défis de nos régions est la distance et parfois aussi le climat. Par grand froid il est plus difficile de réunir les gens. Au Canada les assemblées quakers sont principalement situées dans les villes et les amis qui habitent en région sont inévitablement isolés de ces assemblées par la distance.
Depuis cette date nos cultes ont lieu régulièrement le premier dimanche de chaque mois. Nous espérons augmenter cette fréquence au fur et à mesure de notre croissance. Notre existence est encore très récente, nous sommes peu connus et il arrive que nous ne soyons que deux participants. C’est peu mais nous sommes là et nous sommes pleins de confiance en l’avenir. Bien des assemblées d’amis, aujourd’hui très actives, ont connu des débuts tout aussi modestes. Bien sûr notre groupe, comme un jeune enfant, demande de l’attention et de la persévérance, en particulier dans une des sociétés les plus séculière au monde et dans un milieu réfractaire à tout ce qui est religieux. Toutefois, nous croyons que le mouvement quaker ne peut qu’apporter du bon. Ses valeurs d’égalité, de paix, d’intégrité, de communauté, d’éco-responsabilité et de simplicité peuvent répondre, selon nous, à des besoins criants du XXIe siècle. Malgré ses 365 ans, son évolution dans le temps en a fait un mouvement aux orientations très contemporaines.
Les amis ayant tendance à demeurer discrets c’est sans prosélytisme aucun que nous tentons de nous faire connaître par l'entremise, entre autres, d’une page Facebook, d’un site web et du bouche-à-oreille. Nous tiendrons d’ailleurs cet automne, à l’Université Laval à Québec, un midi-conférence sur le mouvement quaker. Petit à petit l’oiseau fait son nid, comme dit l’adage, et nous espérons que notre groupe prendra un peu d’ampleur et répondra aux besoins spirituels de quelques-uns. Le temps fera son travail et l’Esprit nous guidera sûrement pour la suite des choses.
Amis français, si vous passez au Québec, vous serez les bienvenus!
Jean-Louis Demers
Groupe Quaker de Québec et
Assemblée Quaker de Montréal