Cet article a paru dans le numéro 129, juin 2016, de la Lettre des Amis
« Le véritable ascétisme est une discipline individuelle qui aide l’Homme à accomplir sa tâche en lui permettant d’en assumer toutes les responsabilités. Autrement dit, ce n’est qu’en concentrant sa force vitale sur un ou très peu de buts — et ceci en contraste avec l’usage commun qui est pour la dispersion de l’énergie — que l’on parvient à un résultat positif. » Herbert M. Shelton
Je trouve que les valeurs éthiques et spirituelles, quakers ou autres, sont fortement subversives pour notre société ultra moderne, au sens où celui qui s’engage sur le chemin de les vivre renverse et contredit les comportements sociaux établis, normaux, faisant consensus.
Tout d’abord, je vois le silence comme un ascétisme de la parole, aussi bien lors du culte que s’il est mis en pratique au quotidien. Pendant le culte, faire silence en soi et ensemble nous accompagne progressivement vers la vérité de notre être, de l’être divin, cela nous nettoie de l’illusion véhiculée par le langage : nous sommes alors prêts à voir, à entendre, à toucher. Le silence, comme expérience temporelle, est un révélateur, au sens où il a besoin de temps pour nous amener à une véritable expérimentation de la réalité, à un élargissement de l’espace étroit du langage. Le silence apaise la psyché et lui ouvre les portes de la vérité. Dans nos relations quotidiennes, le silence interpersonnel, s’il est bien accueilli, entraîne profondeur et sincérité.
Selon moi, la non-violence n’a aucune réalité. C’est plutôt un idéal vers lequel il est essentiel de tendre au jour le jour par un minutieux travail de soi sur soi en scrutant la violence enracinée dans nos actes et dans nos paroles, pour ne jamais blesser les autres et ne jamais nous imposer à eux plus que nécessaire. Un travail d’aperception est nécessaire pour observer chacune de nos pensées afin de les purifier de toute trace de violence : quelles sont nos véritables intentions ?
En quoi nos désirs sont-ils porteurs de conflit avec les autres et le monde ? Simplicité à se vêtir, disparaître physiquement sans se cacher derrière un accoutrement, c’est là faire la paix. Simplicité du langage, pour parler à tout le monde. Simplicité de la diète pour ne pas témoigner d’exigence. Simplicité quantitative des pensées, des paroles et des activités : penser peu mais avec pertinence, parler peu mais au moment adéquat, ne pas disperser son énergie dans une hyperactivité mais se consacrer à une ou deux nobles tâches.
Je crois que le service généreux envers nos pairs vient seulement quand nous savons dépasser notre personne, une fois notre personnalité acquise à travers un long travail de construction. Cette maturation continue quand nous nous dépassons et consacrons notre temps, notre vie, aux autres et à la Nature. Et si nous abandonnions ce temps consacré à soi pour consacrer les autres ? Et si nous abandonnions notre personne au profit du vivant, de la Nature ?
Commencer à appliquer ces valeurs me rend enthousiaste pour vivre un message spirituel de paix sur Terre. C’est là un travail courageux qui ira assurément contre les conventions et qui sera révélateur de notre humanité, de notre égalité devant la vie. En faisant preuve de cette vérité-là, nous ferons tomber les murs de toutes les hiérarchies, pour la Paix !
-- Damien Harnay