Cet article a paru dans La Lettre des Amis publiée en septembre 2014
Défier la normalisation du « commerce de la mort » des armements, en interpellant les participants et le public allant à la Foire Eurosatory, a été une expérience mémorable pour nous tous. Nous étions des Quakers de France, de Grande-Bretagne, d’Allemagne et d’Irlande. Etaient présents aussi le Mouvement International de Réconciliation (MIR), la Communauté de l’Arche, L’Union Pacifiste de France, des Mennonites de l’Eglise de Paris, ainsi que des Britanniques de la CAAT (campagne contre le commerce des armes).
Nous avons commencé notre semaine avec une Assemblée de recueillement Quaker au Centre Quaker International et, après un bon déjeuner préparé par le Groupe quaker de Paris, avons préparé des affiches tout en étant filmés par TéléLibre, une équipe de cinéma indépendant, qui nous a suivis jusqu’à mardi soir.
Eurosatory est un immense et à bien des égards, redoutable événement : plus de 1500 exposants à l’intérieur et à l’extérieur. Deux Quakers ont obtenu des passes visiteurs pour entrer dans le Salon. Étaient exposés toutes les dernières innovations dans la conception des drones et autres appareils aéronautiques, des chars et des véhicules blindés, des équipements scientifiques transformant l’eau en air, des vêtements de protection pour les
militaires, des fusils (de plus en plus légers a porter) et les toutes dernières prothèses hydrauliques de bras ou de jambes. Edward Hassle de Belgique, s’étonna de l’immensité de la Foire et de l’énorme effort d’organisation qui avait été nécessaire, avec toutes les conférences, y compris les conférences de presse, les visites sur le terrain, les très nombreuses jeunes filles, qui ne semblaient pas avoir été choisies principalement pour leur expertise technique militaire, sans oublier le personnel de sécurité, nombreux et très bien équipé. La sécurité nationale était une préoccupation évidente.
Nous avons été confrontés à des foules de gens sortant des trains et se dirigeant vers les stands principaux d’exposition. Nos compagnons britanniques étaient surpris que nous ayons pu en France avoir un accès aussi facile aux participants de la Foire : au Royaume Uni, l’accès est strictement limité, même si ici, comme au Royaume-Uni, les militaires eux-mêmes entrent par une autre porte.
Il a fallu du courage pour se tenir ensemble dans l’amitié et le silence, sachant que nous étions un si petit nombre. Il a fallu un effort pour trouver les moyens de se tenir debout fermement. Il y eut cependant de bons moments lumineux : nous avons été surpris par la volonté avec laquelle certains marchands d’armes et commerçants commençaient et restaient en conversation avec nous. Pauline Goggin nous fit part de son expérience : « Tout en tenant le bout d’une bannière, j’essayais de faire un contact visuel avec une mer d’hommes en complet et cravate et quelques femmes. Beaucoup passaient en refusant les cartes que nous leur proposions. D’autres nous souriaient en les acceptant. Un homme, avec le sourire de quelqu’un qui me reconnaissait, me dit ‘Je vous ai rencontrée ici la dernière fois’. Je suis si heureuse d’avoir eu cette expérience et je pense qu’elle m’a rapprochée de la réalité de ce que je suis arrivée à reconnaître comme ‘l’économie de la mort’. J’ai compris que de nombreuses guerres sont probablement provoquées afin de soutenir cette industrie de multi- milliards de dollars/euros/livres ».
Nous nous sommes sentis interpellés, bien sûr, mais aussi encouragés par les signes positifs discrets et les affirmations que nous avons reçues. Les jeunes Amis ont eu des échanges particulièrement réussis – les gens ont été très réceptifs en voyant leur enthousiasme, leur convivialité et leur accessibilité. C’était bon de voir de nouvelles amitiés se former et de plus anciennes s’affirmer... Nos jeunes se sont quittés se sentant à la fois contestés et impressionnés par leur expérience, beaucoup dirent que ce fut le point culminant de leur séjour à Paris.
En tout, nous avons distribué environ 1700 prospectus et 1400 cartes. Peu ont été jetés. Nous étions reconnaissants de la présence du personnel de sécurité non armé : il aurait pu nous protéger de toute violence venant des participants, alors que ce n’était certainement pas sa principale préoccupation.
L’objectif à court terme de notre démonstration était d’alerter le public et les personnes impliquées dans l’industrie des armes des réalités et résultats du commerce des armes. Nous voulions aussi leur suggérer qu’il est possible de regarder les conflits d’une autre manière afin de trouver d’autres solutions, non destructives. Nous y sommes parvenus en partie et nous avons aussi appris quelques éléments précieux qui nous aideront à améliorer notre expérience en 2016.
Bien que le planning ait commencé un an avant l’événement et que le collectif « non à Eurosatory » ait grandi grâce à une présence sur Internet, le nombre de participants actifs sur place ne l’a pas, et il n’y a eu que 1800 signatures sur la pétition remise à l’Elysée !
Notre dossier de presse a besoin d’amélioration également, mais nous avons réussi à avoir un peu d’impact médiatique : Nous avons été photographiés et interviewés par plusieurs équipes de télévision et par des journalistes de revues. Des gens discutaient avec nous. Dès maintenant, nous devons construire sur ce que nous avons commencé. Nous avons vraiment besoin que quelques personnes francophones basées à Paris se joignent à nous. Si vous souhaitez vous impliquer d’une façon ou d’une autre, veuillez contacter Karina Spencer : 05 65 21 53 65.
-- Karina Knight Spencer (France), Pauline Gogin (Irlande), Edward Hassle (Belgique)