Pendant le culte quaker, le silence est parfois la seule nourriture accordée pendant l’heure du culte. Parfois, quelqu'un peut se sentir appelé à livrer un court message, ce qu'on appelle un ministère vocal. Est-ce vraiment le moment ? Notre amie Gretchen Ellis nous livre ses réflexions sur cette pratique parfois difficile à manier.
« Notre culte à base de silence est un espace où nous essayons de nous vider de nous-mêmes pour s’attendre à Dieu (à l’Esprit Saint, à l’étincelle divine, à la lumière intérieure...ou peut-être tout simplement au meilleur de nous-mêmes... selon notre conception personnelle de la chose). Dans une première période de recueillement nous tâchons de nous extraire de nos propres pensées afin d’être réceptifs à ce qui peut venir de plus loin que nous-mêmes. Nous laissons d’abord s’établir un silence profond et nourrissant. Il se peut que ce silence soit même la seule nourriture accordée pendant l’heure du culte. Ou bien quelqu’un peut se sentir appelé à livrer un court message, un ministère vocal.
“Speak the truth, even if your voice shakes” --Maggie Kuhn. Cringle Park, Levenshulme, Manchester
“Speak the truth, even if your voice shakes” --Maggie Kuhn. Cringle Park, Levenshulme, Manchester by dullhunk, licensed under CC BY 2.0
Avant de se lever pour prendre la parole, on doit essayer de discerner si le message vient vraiment de plus loin que son petit «soi», si c’est réellement un appel de l’Esprit Saint à partager quelque chose avec l’assemblée. Une lutte s’engage en soi-même pour déterminer si ce message doit vraiment être délivré. Souvent on décide d’abandonner l’idée mais elle revient avec instance à plusieurs reprises avec de plus en plus de force, jusqu’à ce que l’on se trouve, malgré soi, debout et en train de parler.
A ce propos, je voudrais citer Georges Gorman
Quiconque se sent amené à parler devrait accepter la discipline de se poser quelques questions avant d’ouvrir la bouche. L’objectif principal de ces questions est d’être au clair sur les raisons pour lesquelles on veut parler. Le type de questions auxquelles je fais allusion sont : «l’expérience ou l’idée que j’envisage de partager avec mes frères et sœurs est-elle de nature à contribuer à la sensibilité de la vie du culte et aidera-t-elle l’assemblée à prendre conscience de la transcendance ? Ma contribution aidera-t-elle à faire ressentir un sens de crainte, d’émerveillement, d’adoration, de louange et d’action de grâce - une affirmation de la splendeur et de la bonté de la vie et de son but ultime d’amour et de vérité ? (1)
Il est également possible de prendre comme exemple John Woolman qui en 1741 décrit une expérience : il avait parlé sous l’égide de l’Esprit Saint, mais avait dit plus que ce qui lui était demandé. Conscient de son erreur, il en a souffert pendant des semaines avant de retrouver la paix intérieure :
...humilié de la sorte sous la croix, mon entendement a été fortifié pour distinguer entre le langage de l’Esprit pur qui émeut le cœur de l’intérieur, et cela m’a appris à attendre en silence parfois de longues semaines, jusqu’à ressentir cette montée qui prépare la créature à se dresser comme une trompette à travers laquelle le Seigneur parle à son troupeau. (2)
Notre pratique en ce début de XXIème siècle est plus souple et moins austère que celle de nos ancêtres. Néanmoins, il est dans notre intérêt de nous poser quelques questions avant chaque contribution vocale, et de s’efforcer de rendre le plus explicite que possible le caractère spirituel de son message. Ne craignons pas de retourner à un silence profond après chaque intervention car c’est là où nous puisons notre inspiration et notre force. »
Notes :
(1) George Gorman dans son discours Swarthmore de 1973 «The Amazing Fact of Quaker Worship» («Le phénomène étonnant du culte quaker») publié par le Quaker Home Service, page 107
(2) Paragraphe 2.57, Quaker faith and practice, Fourth edition, The Religious Society of Friends (Quakers) in Britain, 1995-2008