Un blog pour partager nos croyances, nos activités, notre histoire et nos engagements - un aperçu des Quakers en France

Montréal est une ville officiellement francophone mais dans la réalité bilingue puisque aujourd’hui plus de 18% de sa population est de souche anglophone. L’Assemblée quaker de Montréal (Montreal Monthly Meeting), la seule au Québec, existe officiellement depuis le début du XXe siècle. Elle a connu des périodes moins actives mais elle a néanmoins réussi à passer l’épreuve du temps. Fondée par des professeurs des universités Concordia et McGill (anglophones) elle a été jusqu’à tout récemment une assemblée presqu’exclusivement anglophone, reflet du quakerisme lui-même qui demeure dans le monde entier un mouvement très anglais. Le quakerisme ne s’est que très peu acculturé dans les pays non anglophones sauf peut-être pour sa branche évangélique motivée pour son souci d’évangélisation, principalement en Afrique.

Avec le temps, au Québec, certains francophones ont découvert la richesse de la spiritualité du quakerisme et ont voulu s’intégrer auprès de l’Assemblée de Montréal. Ils ont cependant toujours eu à composer avec sa majorité dominante anglophone qui, malgré certains efforts pour les accueillir, n’y arrivait que difficilement. Cette situation a incité l’Assemblée à amorcer un discernement sur l’inclusion des francophones. Un « concern » dans le sens quaker du terme commandait cette réflexion.

Les résultats de ces dernières années sont étonnants. Un comité francophone incluant un anglophone bilingue a été créé. Son mandat est de réfléchir aux façons de faciliter l’intégration des personnes qui ne maîtrisent pas la langue majoritaire de l’Assemblée. Le comité des communications et celui des ministères et conseils ont aussi discerné à ce sujet. L’implication sincère des anglophones à cette réflexion fut essentielle. Nous avons maintenant un site web entièrement bilingue. Nous nous efforçons de traduire au mieux les expressions typiquement quakers. Un groupe entièrement francophone a vu le jour dans la région de Québec et un groupe provincial entièrement francophone se rencontrent une fois par mois en ligne. Ce dernier s’est constitué à la suite d’une formation en ligne d’introduction au quakerisme offerte entièrement en français (animée par un anglophone bilingue !).

Une fois par mois l’hôte des rencontres en ligne de l’Assemblée de Montréal est francophone. Les cultes sont suivis de discussions informelles qui sont soit bilingues, soit réalisées en petits groupes dont un est francophone. À tout moment les personnes qui n’ont pas saisi ce qui est dit peuvent demander à ce qu’une brève traduction soit faite. Un parrainage d’accueil est offert aux nouveaux venus dans leur langue. Nous avons maintenant une infolettre entièrement disponible en français et en anglais avec des contenus identiques, à l’exception de certains textes poétiques qui seraient mal servis par une traduction. Un projet de traduction des « Faith and Practice » du Canada pourrait se concrétiser.

Toutefois certains défis demeurent. L’expression des ministères spontanés lors de la tenue d’un culte peuvent être difficilement traduits par une autre personne sans briser la spontanéité inhérente au ministère vocal. Pensons aussi à la conduite des assemblées d’affaires qui ont toujours été en anglais. Il devient en effet très lourd de tout traduire mais les francophones sont invités à demander à ce qu’une brève traduction soit faite dès que certains éléments leur échappent. Il en est de même lors des assemblées régulières. L’ordre du jour ainsi que les procès-verbaux seront dorénavant traduits afin de permettre à toutes et à tous de participer activement à ces assemblées. Tous ces efforts semblent porter des fruits car lors d’une récente assemblée, le tiers des participants était francophone.

Le quakerisme est un mouvement qui se veut inclusif. Il a toujours cherché à bannir les frontières entre les sexes, les races, les statuts sociaux, etc. L’expérience du quakerisme bilingue au Québec démontre que l’inclusivité est possible même auprès de ceux et celles qui ne se comprennent pas faute de langue commune. Elle démontre qu’un quakerisme qui écoute la direction spirituelle dont il est inspiré peut s’enrichir de l’apport des différences culturelles et linguistiques.

Finalement, rappelons que le cas du Québec n’est pas unique. L’Assemblée quaker de Monteverde au Costa Rica en est un autre, ainsi que celle de Bolivie. Il en existe sûrement ailleurs car, pour les raisons évoquées plus haut, la question linguistique demeure un enjeu de l’expression du quakerisme dans les pays non anglophones. L’inclusion des participants dont la langue diffère de celle utilisée majoritairement lors des assemblées devrait être au cœur du discernement de ces dernières.

Parfois de petites initiatives font de grandes différences. Et elles en valent la peine.

—Jean-Louis Demers