Un blog pour partager nos croyances, nos activités, notre histoire et nos engagements - un aperçu des Quakers en France

50 ans après l'indépendance de l'Algérie, notre Ami Dale nous parle d'une activité quaker peu connue dans ce pays.

Cette histoire unique de coopération quaker européenne commence par la participation en 1952 d’un jeune norvégien Egil Hovdenak à un camp du Service civil international parmi le peuple berbère de Kabylie. Il se sent investi de la tâche de partager son expérience de la pauvreté et de rendre l'amitié et la mystérieuse fraternité qu’il y avait rencontrées. En même temps, l’Assemblée de France, porte ses préoccupations concernant les conditions en Algérie, à la section européenne du Comité consultatif mondial des Amis (FWCC) lors de sa réunion annuelle tenue en Suisse en 1962. Cette réunion coïncide avec la signature des accords de paix d'Evian, qui mettent fin à près de huit ans de guerre entre l'Algérie et la France.

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Même si la mission d’Egil sera retardée d'une décennie, il continue à nourrir ses espoirs en observant la lutte pour l'indépendance de l'Algérie. Suite à la réunion du FWCC de 1962, Egil se rend directement à Tunis, où les agences quakers britanniques et américaines rencontrent les autorités algériennes en exil et le Croissant Rouge pour planifier les efforts de reconstruction. Alors que ces agences mettent en place des activités respectivement dans l'Ouest et l'Est de l'Algérie pour soutenir les réfugiés algériens qui reviennent du Maroc et de la Tunisie, il est décidé que l'entreprise quaker guidée par FWCC sera située au centre du pays, en Kabylie, dans la région de Ouacif, à quelques 150 kilomètres d'Alger. Le premier groupe de bénévoles arrive un an plus tard, en avril 1963.

Le mouvement algérien de libération en exil accueillit favorablement les efforts de secours envisagés, à condition qu'ils ne soient pas paternalistes. Prioritaire était l'approvisionnement en eau et un château d'eau est rapidement érigé. Egil écrit : « Le manque d'eau, est criant dans plusieurs villages. De corvée d'eau, les femmes retournent par des chemins abrupts vers leurs villages avec des bidons de 20 litres sur le dos. Les hommes ne portent pas l'eau. S'il faut en chercher le soir, un homme accompagne sa femme. » Il décrit la désolation des villages détruits dans lesquels il avait travaillé dix ans auparavant, alors que les gens revenaient des camps de regroupement pour s'occuper des vergers d'oliviers et de figuiers calcinés et des champs envahis de ronces et de chardons. Une maternité est construite à Tizi T'nine.

Quelques crises affectant le travail de service des Quakers peuvent être mentionnées. Ben Bella, premier président algérien et de la majorité arabe, est contesté en Kabylie et de violents combats ont lieu autour des villages de l’Ouacif en 1964, avant qu’il ne soit renversé par Boumedienne en 1965. En 1967, la guerre des six jours entre Israël et les pays arabes, au cours de laquelle l'Algérie a également déclaré la guerre à Israël, a fait naître des incertitudes quant à l'avenir du projet. Les activités du projet quaker ont également été affectées par la décision du gouvernement d'arabisation et d'islamisation de la culture et de la religion. Cependant, aucune réorientation explicite à l’encontre des agences étrangères n'a été déclarée, ce qui a obligé les bénévoles à déduire les intentions des autorités à partir des actions, ou du silence, des fonctionnaires.

En 1967, EMES a voulu mettre fin à ces activités en Kabylie et de transférer les programmes existants aux autorités algériennes. L'exception était de continuer à soutenir la maternité à Tizi T'nine. Mais le transfert des activités s'avère très compliqué. Le chef d'équipe a conclu que, dans l'ensemble, les activités médicales étaient réussies et ont été bien intégrées dans la structure de santé publique algérienne. En revanche, les projets agricoles l'étaient moins et les projets de démonstration par l'expérimentation et la formation auraient eu besoin de cinq à dix années supplémentaires pour s'implanter avec succès.

Au cours de la décennie, un total de 56 Européens, originaires de sept pays, se sont rendus sur place, pour des séjours de 14 mois en moyenne. On estime qu'une vingtaine d'Algériens y ont participé. L'Assemblée de France a envoyé trois jeunes volontaires, coordonnés par le Centre quaker international à Paris. Tony Clay a travaillé sur le projet et plus tard, avec sa femme, Odette, deviennent les représentants des affaires internationales au CQI à Paris. Un jeune Français et une Norvégienne, qui se sont connus en Kabylie et ensuite mariés, habitent toujours en région parisienne.

Le titre du livre d'Egil Hovdenak, « À mes amis de la montagne », traduit bien l’esprit de liens d’amitié personnelle tissés lors de la décennie du projet quaker en Kabylie.